L’épanouissement d’une fleur de lotus à huit pétales
■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu
■ Discours abstrus sur la délivrance « Pointer du doigt la Lune »
■ Traduit du chinois par Sandrine Fang
■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong
La personne qui se trouvait à la
frontière de la mort, qui était à l’agonie et
qui voulait bien mourir, c’était pourtant
moi. Je ne m’attachais radicalement pas à
ma propre vie, je ne voulais pas ne pas la
lâcher.
Je pensais à ceci :
– le fondateur de l’école du Vrai
Bouddha, les cinq millions de disciples,
les maîtres du dharma qui font de la
propagation du dharma bouddhique ;
– les temples Lei Tsang (transcription
littérale : « tonnerre trésor temple »),
les succursales, les centres de la propagation
du dharma du bouddha ;
– le Village de l’arc-en-ciel ;
– le Jardin ésotérique du Vrai Bouddha
;
– le monastère du Nan Shan (mont
du Sud) ;
– la maîtresse Lian-hsiang ; Foch’ing
Lu, Fo-ch’i Lu…
Aujourd’hui que je me trouvais en
face de la mort, la propagande du dharma
bouddhique dans ce Monde Sahâ0F
1, mes
parents proches, les profits et les biens
matériels étaient transformés pour moi en
néant.
Tout était vide.
Bien que j’aie affronté la dispersion
douloureuse des Quatre Grands, en face
de la fraction crânienne, heureusement,
grâce à la pratique appliquée depuis de nombreuses
années, mon esprit demeurait encore
tranquille, ma conscience se fixait sur
les quatre bases de l’attention : l’attention
portée à l’impureté du corps, l’attention
portée à la souffrance provenant des sensations,
l’attention portée à l’inconstance
du coeur, l’attention portée au non-moi qui
est la base de tout le dharma. J’avais de la
bravoure, ne craignant pas la mort, et mon
esprit continuait à se transcender.
Je me suis apprêté à mourir et à
renaître à la Terre pure, je récitais fermement
le nom du bouddha et des mantras, mon
désir se trouvait complètement centré sur
la lumière du bouddha.
La douleur générée par la fraction
crânienne, la faiblesse du corps et la mort
qui arriverait sans tarder ne m’avaient
toujours pas vaincu.
J’étais conscient que la mort est une
règle établie et inévitable, je me trouvais
dans l’impossibilité de donner à mes disciples
mes dernières instructions, je mourrai
solitairement, c’était aussi une chose
inévitable. J’ai donné ma gratitude à mes
gourous, j’ai remercié le Bouddha, j’ai
témoigné ma reconnaissance envers le
dharma bouddhique, j’ai dit merci aux
saints et aux sangha. J’allais abandonner
mon enveloppe corporelle, j’allais entrer
aisément dans l’extinction parfaite, dans
le samâdhi (le calme parfait de l’esprit),
dans le nirvâna, tout comme les saints des
générations passées, qui avaient formé le
grand voeu de secourir le monde.
Je ne mourais pas involontairement
ni à contrecoeur. Je n’avais pas de regret.
Personne de mes alentours n’ignorait
que j’étais à l’article de la mort.
Personne ne m’importunait intentionnellement.
Je pourrais avoir une bonne disparition
dans un état d’esprit naturel et tranquille.
Dans le samâdhi, la fleur de lotus à
huit pétales continuait à se diviser, je ne
sentais que la douleur et la faiblesse, mais
aussi l’absence de peur.
En tant que véritable sage éveillé,
en face de la mort, on ne doit pas éprouver
de la crainte, il faut en revanche avoir « la
connaissance correcte, la compréhension
correcte ». On doit comprendre que l’espace
est immense, sans bornes, le monde du
dharma vaste, illimité. Depuis le début de
l’existence du monde, la durée de vie de
l’être humain est fort restreinte, l’âge du
cosmos est pourtant infini, plusieurs centaines
de quatrillions et de quatrillions
d’années.
N’importe qui, dans n’importe quel
monde du dharma, peut mourir, c’est sûr
et certain, personne n’est exempté, tout
cela ne peut être qu’ainsi.
Ne pas entrer dans le nirvâna, c’est
un idéal ; tout le monde peut mourir, c’est
la vérité.
Le Bouddha nous a dit :
La nature est une sorte de circulation de
l’existence, La vie et la mort sont un
grand samsâra1F
2,
Tout ce qui existe n’est pas constant,
Tout le dharma se base sur le non-moi,
Le nirvâna est placide.
C’est la loi, la règle du cosmos, C’est
aussi la vérité.
Je suis un homme qui a atteint le
Grand Éveil, je comprends bien ce qu’est
la mort. Durant cette période, ma nourriture
devenait insipide et mon physique faible,
j’étais insomniaque et sans énergie. Pour
la plupart des gens, c’est sombrer dans un
danger extrême, en éprouvant justement
« l’obscurité et l’ignorance » du monde
entier, c’est l’entrée dans l’état intermédiaire
de la mort.
Cependant, après l’ouverture de la
fleur de lotus en huit pétales, il apparut en
son plein centre un bouddha assis majestueusement,
et c’était :
– Padmakumara ;
– le bouddha de la lumière de lotus
et de l’aisance ;
– le bouddha vivant Lian-sheng,
Sheng-yen Lu.
Ce bouddha est précisément, dans
le bouddhisme tantrique, ma déité d’élection.
En elle je mets mon appui en suivant
l’enseignement du Bouddha universellement
éveillé, et qui, étant en moi, est la
véritable lumière de ma déité d’élection de
la sagesse. Ce Tathâgata, ma déité d’élection,
est capable de balayer d’un seul coup
et proprement « l’obscurité et l’ignorance »
de la mort.
J’ai vu mon propre esprit originel ;
je me suis vu moi-même. J’ai vu la nature
de bouddha ; j’étais exactement un Tathâgata.
Ce qui me surprenait, c’était que ce
bouddha Padmakumara portait à ses pieds
les chaussures à voyager en esprit que le
bodhisattva Avalokitésvara m’avait données.
Dans le samâdhi où la fleur de lotus
à huit pétales s’était épanouie, je suis allé
voir beaucoup d’états intermédiaires, ce
qui m’a permis de les montrer par écrit
l’un après l’autre. Je dis à tout le monde :
mon épanouissement de la fleur de lotus
en huit pétales est justement la méthode
P’owa pratiquée dans le bouddhisme tantrique.
1 Le monde terrestre où l’on endure les passions.
2 Le cycle des existences.