■Le bouddha vivant Lian-sheng Sheng-yen Lu
■Journal des voyages spirituels
~Un autre genre de manifestation du prodige~
■Traduit du chinois par Sandrine Fang
■Copyright © Sheng-yen Lu ©2011, Éditions Darong
» Ah, Dâkinî ! Dans cette vie, vous avez pris refuge auprès de moi ; je vous ai reconnue, et vous avez même dit que c'était moi qui vous avais demandé de descendre dans ce monde poussiéreux pour seconder le Vrai Bouddha. Je vis aujourd'hui en ermite au Lac foliacé, pourquoi avez-vous encore l'intention de descendre ici-bas ?
Ah, Dâkinî !
Pourrez-vous rester lucide, pure et agréable ?
Pourrez-vous ne pas oublier l'idée de la Voie ?
Pourrez-vous vous libérer de la souffrance et obtenir la joie ?
Pourrez-vous purifier votre propre coeur ?
Pourrez-vous revenir au maha Étang au Double Lotus ?
» La véritable réalisation dans la vie consiste à purifier son propre coeur et à délaisser la célébrité et le profit ; la plus grande réalisation, c'est de porter secours aux êtres vivants pour qu'ils puissent se délivrer de la Roue de la souffrance. Seule cette pureté immaculée nous permet de ne pas subir la transmigration dans les Six Voies. Ah, Dâkinî ! Vous voulez retourner en ce bas monde, mais avez-vous la pleine confiance en vous ? Êtes-vous sûre de vous ?
À ce discours, la dâkinî fut saisie de frissons, et ses yeux se remplirent de larmes. Je savais qu'elle n'était pas du tout assurée de pouvoir retourner dans le monde céleste. C'était justement la raison pour laquelle je me faisais du souci.
La dâkinî me demanda :
— Maître vénérable ! Que dois-je faire ?
Elle était en contradiction avec elle-même, et son coeur se démenait.
Je lui répondis :
— Le commun des mortels s'impose toujours des contraintes et c'est pour cette raison qu'il s'enfonce dans l'océan de souffrance, comme s'il habitait une maison en flammes. Ici-bas, tous les gens sont tourmentés à la fois par la froideur et par la chaleur, et tous sont d'accord pour dire que l'intensité de la souffrance est plus grande que celle du bonheur. Pourtant, bien qu'ils vivent dans un océan de souffrance, combien parmi eux la comprennent à fond et y ont renoncé ? C'est comme s'ils étaient dans un rêve, ne pouvant pas en sortir.
Je continuai :
— Aujourd'hui, dans le Monde de la béatitude parfaite du Bouddha, les sons articulés propagent tous le dharma merveilleux ; l'eau de mani s'y déverse ; les portraits des Tathâgata, des saints et des sages sont majestueux et sans égal, le joyau de bon augure répand avec profusion une lumière dorée ; les édifices à étages sont parés d'une multitude de joyaux précieux et les sols sont recouverts de sable d'or. Vous ne voulez pas vous rendre à un tel royaume bouddhique et, en même temps, vous êtes parfaitement consciente que les affaires du monde sont comme un rêve ; en dépit de cela, vous cherchez encore le rêve. Vous savez pertinemment que vous pourriez tomber dans les Trois Mauvaises Voies ( : la voie de l'Enfer, la voie de l'Esprit affamé et la voie de l'Animalité), vous ne voulez pourtant pas prendre le chemin qui mène à votre pays natal et vous vous égarez, n'êtes-vous toujours pas sortie de votre grand rêve ?
La dâkinî demanda :
— Que deviendront mes enfants et mes petits-enfants ?
Je me mis à rire et lui dis :
— Naturellement, notre postérité dispose de son propre bonheur ; nous ne sommes pas des chevaux ou des boeufs qui labourent pour eux.
Elle ajouta :
— Comment se diriger vers le chemin qui mène au paradis de l'Ouest ?
Je dis :
On ne sent pas la pesanteur si le fardeau est déposé,
Une fleur de lotus s'ouvre naturellement sous les pieds ;
Si vous récitez de tout votre coeur le nom du bouddha,
Il n'est pas nécessaire de préparer d'avance un siège en forme de fleur de lotus.
La dâkinî prononça la formule suivante :
— Namo les trois cent soixante mille milliards cent dix-neuf mille cinq cents bouddhas du même nom que le bouddha Amitâbha.
Je me transformai aussitôt, du bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu, en un bouddha Amitâyus (bouddha de la longévité infinie), dont les trente-deux caractéristiques physiques remarquables ornent majestueusement l'espace du monde du dharma. Les nuages qui enveloppent son corps répandent tous de la lumière. Il tient dans la main un piédestal en forme de fleur de lotus. Tout était parfait. Je lâchai le piédestal et la dâkinî y posa tout de suite les pieds.
Elle demanda :
— Quelle sorte de récitation ai-je faite ?
— Il y a dix façons de réciter le nom du bouddha : la récitation quiète, la récitation pure, la récitation non troublée, la récitation limpide, la récitation du détachement des poussières, la récitation du détachement de toutes choses, la récitation du détachement des souillures, la récitation de la lumière éclatante, la récitation agréable de la joie, la récitation de l'absence d'obstacles. La récitation que vous avez faite tout à l'heure contient déjà pleinement les dix récitations.
— Comment parvenir à la Terre pure ? demanda la dâkinî.
— On l'atteint le temps d'une pensée. On renaît à la Terre pure en un court instant.
À l'instant même, la dâkinî se trouva déjà dans le maha Étang au Double Lotus et se réincarna dans une fleur de lotus.
- fin -