■Le bouddha vivant Lian-sheng Sheng-yen Lu
■Journal des voyages spirituels
~Un autre genre de manifestation du prodige~
■Traduit du chinois par Sandrine Fang
■Copyright © Sheng-yen Lu ©2011, Éditions Darong
Je dis :
— Quelle utilité y a-t-il à parler du vrai et du faux, tant que l'on n'a pas pris refuge dans les Trois Joyaux③, ni reçu l'ordination ? En l'absence d'incorporation de la règle, on ne peut pas accumuler les vertus par la pratique de la discipline pour réaliser l'état de bouddha.
» Quelle utilité y a-t-il à parler du vrai et du faux, tant que l'on n'a pas entendu le sûtra, ni compris l'enseignement du dharma ? En l'absence de compréhension du dharma, comment pourrait-on réaliser l'état de bouddha par une pratique assidue ?
» Quelle utilité y a-t-il à parler du vrai et du faux, tant que le corps, la parole et la pensée ne sont pas purifiés ? En l'absence de pureté, on ne peut pas réaliser l'état de bouddha, même en se prosternant le front contre terre jusqu'à ce que la tête se brise.
» Par l'observance des préceptes, on éradique l'avidité.
» Par la méditation, on éradique la colère.
» Par la sagesse, on éradique l'ignorance.
(S'appliquer avec assiduité aux préceptes, à la méditation et à la sagesse supprime l'avidité, la colère et l'ignorance.)
Ceux qui pratiquent les préceptes doivent persévérer à les suivre. Ceux qui récitent le nom du bouddha ou le mantra doivent maintenir leurs pensées pures. Ceux qui pratiquent la méditation et la sagesse doivent accorder leur coeur à la nature, leur nature de bouddha pourra ainsi se manifester. Si on se cultive dans la voie de la Délivrance et la voie de la Bodhi, on pourra finir le cycle de ses existences, comprendre son coeur et percevoir sa nature !
Tout cela est beaucoup plus important que l'accueil de l'ongle du Bouddha.
Personnellement, je ne désapprouve pas qu'on accueille les reliques d'ossements, de dent ou d'ongle du Bouddha pour la bénédiction du pays, de la société ou des êtres vivants ; je ne m'oppose pas non plus à ce que les gens fassent des génu-flexions devant l'ongle du Bouddha, en frappant leur front contre le sol, « pan, pan, pan » !
Je ne voudrais que les bouddhistes retiennent bien ceci : en réalité, la pratique assidue du coeur et la nature de bouddha émanant de son propre coeur sont plus importantes que la prosternation apparente.
Jadis, quelqu'un s'enquit auprès de moi de la chose suivante :
— Han Yü1④ avait rédigé des remontrances contre l'accueil des reliques d'ossements du Bouddha. Quel est votre sentiment sur sa désapprobation ?
Quand j'étais étudiant, beaucoup de gens avaient déjà lu ce texte. Han Yü était un écrivain renommé et ce texte-là très célèbre. Il conseillait à l'empereur Li Chun de ne pas accueillir les reliques du Bouddha, et l'essentiel de son raisonnement était le suivant :
1. C'était sous la dynastie des Han postérieurs⑤ que le boud-dhisme était entré en Chine, et il n'y avait pas de religion boud-dhique avant cette période.
2. En Chine, au moment où le bouddhisme n'existait pas, les souverains restaient longtemps sur le trône, le pays était en paix, le peuple était tranquille et heureux.
Par exemple, Huang Ti (le Souverain Jaune), Shao Hao, Chuan Hsü, Ti K'u, T'ang Yao, Yü Shun, Ta Yü, Ch'eng T'ang, Wu Ting, Wen Wang, Wu Wang et Mu Wang de la dynastie Chou⑥, tous ces empereurs régnèrent longtemps, jusqu'à plus de cent ans, à l'exception de Wu Ting, qui fut au pouvoir pendant seul ment cinquante-neuf ans. En outre, tous ces souverains jouissaient d'une grande longévité, excepté Wu Wang de la dynastie Chou, qui, bien que la durée de sa vie fût plus courte, vécut tout de même pendant quatre-vingt-treize ans.
Tous les peuples vivaient en harmonie et dans la félicité.
3. Sous la dynastie des Han postérieurs, le règne de Ming Ti⑦ connut l'entrée de la religion bouddhique en Chine. En conséquence, le souverain Ming Ti ne resta sur le trône que pendant dix-huit ans.
Les empereurs de la période des dynasties du Sud et du Nord croyaient en Bouddha ; ils gouvernaient le pays à court terme, et la durée de leur vie n'était pas très longue.
Les peuples vivaient dans le chaos des guerres, et l'Empire chinois n'était pas en paix.
(Parmi les empereurs, Liang Wu Ti⑧ resta le plus longtemps au pouvoir, c'est-à-dire pendant quarante-huit ans de règne, et il fut aussi le seul qui vécut plus de quatre-vingts ans. Il était le coeur du Bouddha, le fils du Ciel, le plus dévot bouddhiste, et il avait sacrifié à trois reprises sa vie pour l'offrir au Bouddha. Cependant, au déclin de l'âge, sa situation était mauvaise, car il fut traqué par le traître Hou Jing et mourut de faim dans une ville autre que la sienne et, huit ans après sa mort, sa patrie fut détruite.)
- à suivre -
③ Le bouddha, le dharma et la sangha.
④ 768-824 après J.-C.
⑤ 25-220 après J.-C.
⑥ 1046-256 avant J.-C.
⑦57-75 après J.-C.
⑧ L'empereur Wu Ti (502-549) de la
dynastie Nan Liang (502-557).