Il ne faut pas passer sa vie à ne rien faire

■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu

■ Discours abstrus sur la délivrance « Pointer du doigt la Lune »

■ Traduit du chinois par Sandrine Fang 

■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong

 

J’ai déjà mentionné ceci :

– j’ai habité à Kaohsiung, à Taiwan,pendant

dix-neuf ans ;

– j’ai habité à Taichung, à Taiwan, pendant

également dix-neuf ans ;

– j’ai habité à Seattle, dans l’État de

Washington, aux États-Unis, pendant dix-neuf ans ;

– maintenant, je mène une vie érémitique…

En ce qui concerne ma vie présente, elle a

des traits communs avec une stance par laquelle le

bouddha Sâkyamuni nous a souvent encouragés :

La vie ressemble à l’illusion, à l’ombre

d’une bulle,

Elle est comme la lumière de l’éclair

et l’étincelle d’un silex, Elle a de la

ressemblance avec la rosée et l’éclair,

Il faudrait la regarder de cette façon.

La naissance est souffrance, la vieillesse est

souffrance, la maladie est souffrance, la mort est

souffrance, la tristesse est souffrance, le ressentiment

est souffrance, éprouver une douleur est souffrance,

l’inquiétude est souffrance, contrarier la maladie

est souffrance, transmigrer dans le cycle des

existences successives est souffrance.

En plus, être séparé de ce que l’on aime est

souffrance, être uni avec ce que l’on n’aime pas est

souffrance, ne pas obtenir ce que l’on désire est

souffrance, l’attachement aux Cinq Agrégats0F

1

est souffrance.

Même pour le grand saint Bouddha, il y

eut les neuf grandes épreuves :

1. Sundarî, adepte du brahmanisme, diffamait

l’intégrité du Bouddha ainsi que des

cinq cents arhat.

2. Ciñca Mânavik, femme brahmanique,

diffamait la probité du Bouddha.

3. Devadatta précipita un énorme rocher sur

le Bouddha, celui-ci fut blessé au pied.

4. Un pied du Bouddha fut percé par un

morceau de bois renversé.

5. Le roiVirûdhaka se mit en guerre contre

les Sâkya, le Bouddha en avait mal à la

tête.

6. Le roi brahmane Ajita invita le Bouddha,

mais faute de nourriture, l’invité n’avait

que pour aliment du fourrage pour

chevaux.

7. Un vent glacial se leva, le Bouddha souffrait

de la colonne vertébrale.

8. Six ans de vie ascétique.

9. Le Bouddha entra dans une ville brahmane,

les habitants ne lui faisaient pas d’offrandes,

il s’en retourna, son bol à aumônes vide…

La souffrance que le bouddha Sâkyamuni

éprouvait dans sa vie et ma vie présente de souffrance

sont conformes à une stance proclamée par

le bodhisattva Samantabhadra :

Ce jour est passé,

La vie diminue également,

Comme le poisson dans très peu d’eau,

Comment éprouverait-il de la joie ?

Tous ceux qui ont acquis de parfaites connaissances

sur les principes de la philosophie

avouent certainement que le genre humain éprouve

dans la vie plus de peines que de joies, qu’il fait des

choses par routine et avec négligence, qu’il

jouit de la vie et meurt en vain, et que durant toute

l’existence de la vie, les Cinq Désirs1F

2 sont comme

un cours d’eau sorti de son lit. Comment les gens

ne penseraient-ils pas que la mort arrive fort vite ?

La mort est un événement qui a lieu tôt ou tard,

mais beaucoup trop de monde n’entreprend que

des choses très insignifiantes. Il est vrai qu’ils ont

trop gaspillé leur vie, c’est trop cafardeux, trop

dommage.

Dans mon cas, j’ai vécu pendant dix-neuf

ans à Kaohsiung où j’ai fini mes études secondaires

au collège. J’ai habité pendant dix-neuf ans à

Taichung où j’ai eu mon diplôme universitaire,

après quoi je suis entré dans la vie active. J’ai

séjourné pendant dix-neuf ans à Seattle pour

porter secours aux gens. J’avoue même que mon

temps consacré à la pratique de la perfection, au

secours porté au monde et à la propagation du

dharma bouddhique a été insuffisant. Combien

d’années aurai-je encore à vivre ? Combien de

temps existerai-je encore en ce bas monde ?

Nous ne sommes que le commun des

mortels, parmi lesquels je pourrais être considéré

comme un peu meilleur, car les autres individus

ne gardent pas beaucoup leur esprit lucide, et leur

confusion ne s’interrompt jamais. Beaucoup de

monde n’a pas encore entendu le dharma du

bouddha, et bien des gens ne l’ont jamais mis

en pratique, mais ils ont déjà trouvé la mort les

mains vides.

D’après le Bouddha, nous sommes effectivement

trop paresseux, nonchalants, vraiment

trop oisifs. Les êtres vivants n’estiment pas le

temps de la vie, ils placent l’argent au premier

rang et cherchent la satiété des plaisirs ; ils

pensent que leur corps charnel est tout leur être, ils

estiment même que le cours de l’existence est un

tout, la vie une totalité. C’est une conception

inexacte.

D’après la droite raison tirée de l’enseignement

du Bouddha, il n’est pas facile de

transmigrer en être humain, mais en tant que

créature humaine, c’est une occasion rare pour

s’exercer dans la pratique de la perfection, car

Lankâvatâra-sûtra (Sûtra de la descente à Lanka)

a clairement dit que l’homme peut, en se basant

sur ses propres efforts et son assiduité, par la

transformation de sa conscience interne en sagesse

foncière, acquérir la délivrance définitive et la

bodhi définitive, et atteindre l’état universellement

illuminé de bouddha.

C’est pourquoi le Sûtra du coeur dit :

Mahâprajñâpâramitâ est

un mantra suprême,

un mantra lumineux,

un mantra prodigieux,

un mantra inégalable.

Autrement dit, en tant qu’être humain, se

décider à pratiquer assidûment la perfection pour

atteindre l’autre rive est le grand événement le

plus significatif de la vie, c’est la grande lumière,

c’est le grand prodige, c’est la suprématie, c’est

inégalable. Même si vous êtes un roi, un président,

un Premier ministre, un monarque, un empereur,

tous ces titres n’équivalent pas au mantrainégalable.

Tous les phénomènes et les apparences

produits par la combinaison des causes et effets

ressemblent à l’illusion, à l’ombre d’une bulle.

J’aime énormément un poème écrit par Wang

An-shih2F

3 et que j’ai déjàmentionné plusieurs fois

dans mes livres :

Étant conscient que le monde ressemble

à un rêve, on n’a donc rien à

désirer ;

Puisqu’il n’y a rien à désirer, le coeur se

trouve alors dans la vacuité et la quiétude.

Il semble qu’en rêve on se laisse encore

aller en suivant l’état de rêvasserie,

Et réaliser les mérites du rêve, considérables

comme les sables d’un fleuve.

 

1 Les cinq skandha constitutifs des êtres dotés de conscience : la corporéité, la sensation, la perception,

la volonté, la conscience.

2 La richesse, le plaisir sexuel, la renommée, la bonne chère et le sommeil.

3 Wang An-shih (1021-1086), homme politique, ministre et écrivain de la dynastie Ming (1368-1644).

 

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