Chang Chia-chi parla de bonnes et mauvaises fortunes
■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu
■ Discours abstrus sur la délivrance
« Pointer du doigt la Lune »
■ Traduit du chinois par Sandrine Fang
■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong
Le 6 mai 2012, à 15 heures, dans le
district de Wu-feng, au Centre d’opération
Da-p’in, la présentatrice Chang Chia-ch’i
m’interviewa. Je parlai dans cette interview
de la question de bonnes et de mauvaises
fortunes de la vie. Cette question intéressait
beaucoup les contemporains ; beaucoup
de monde souhaite connaître les
bonnes et les mauvaises fortunes de leur
destin.
Chang Chia-ch’i demanda :
— Quel est l’opinion du révérend
maître Lu sur la bonne et la mauvaise
fortune de la vie ?
Je répondis :
— Il n’y a pas de bonne et de mauvaise
fortune de la vie.
Elle fut grandement surprise. Elle interrogea
:
— Pourquoi ?
Je répondis :
— Par exemple, il n’y a rien sur la
Lune, tout le monde le sait. Sur la Lune,
qu’est-ce que la bienveillance ? Qu’est-ce
que le mal ? Qu’est-ce que la bonne fortune
? Qu’est-ce que la mauvaise fortune ?
Pour l’homme qui est éclairé et qui comprend
le coeur, l’état de l’Éveil n’est que tel.
Chang Chia-ch’i dit :
— Il est effectivement très difficile à
répondre. Pourtant, pour ce qui est de
bonnes et de mauvaises fortunes de la vie,
les gens voudraient bien les connaître.
Je dis :
— Je prends le président A-bien0 F
1
comme exemple : lorsqu’il a été élu président
de la République de Chine, tout le
monde le prenait pour un empereur. C’était
effectivement de la bonne chance et de la
prospérité. Cependant, je considérais son
élection comme un malheur, une décadence.
— Oh !
— D’un coup, il a été poursuivi en
justice pour crime, aujourd’hui il est devenu
un prisonnier. Les gens voient ce fils
de Taïwan devenir un captif, un prisonnier
à perpétuité ; tout le monde a estimé que le
président A-bien se trouvait dans le grand
malheur, la grande décadence. Je considère
pourtant que c’était de la bonne chance, de
la prospérité.
— Oh !
J’expliquai :
— Si c’était moi, si j’étais emprisonné,
les gens penseraient que ce serait pour moi
un grand malheur, une grande décadence,
j’avouerais cependant que ce serait de la
bonne chance, de la prospérité. Car lorsqu’on
est mis en prison, dans une petite
cellule, à perpétuité, c’est le moment le
plus approprié pour tranquilliser son coeur.
Comme lorsque l’on fait une retraite spirituelle,
on pratique le dharma tantrique
tous les jours, on le pratique le matin, on
s’y exerce le soir, on se tranquillise pour la
pratique, on aura à l’avenir une lumière qui
se répandra partout et mille rayons énergiques
de bon augure. C’est l’emprisonnement
qui donne lieu à cette réalisation
par la retraite. On ne se soucie pas de
manger, ni de dormir, on peut y prendre sa
résolution, ne serait-ce pas de la bonne
chance et de la prospérité ?
Je continuai :
— Lorsque A-bien était le président de
la République, c’était apparemment une
bonne fortune, c’était pourtant, intérieurement,
une mauvaise fortune. Il est devenu
un prisonnier au bas des marches, c’était
apparemment une mauvaise fortune, c’était
pourtant, intérieurement, une bonne fortune.
Je dis :
— Qu’est-ce qui est de la bonne
fortune ? Qu’est-ce qui est de la mauvaise
fortune ? La mauvaise fortune contient une
bonne fortune, la bonne fortune contient
une mauvaise fortune ; celle-ci et celle-là se
lient ensemble comme des frères. Tout le
monde estimait que c’était un heureux événement,
je considérais que c’était un malheur
; les gens pensaient que c’était un
malheur, je voyais que c’était un heureux
événement. Dans l’état de l’Éveil, les bonnes
et mauvaises fortunes de la vie n’existent
pas du tout.
Je dis encore :
La bonne fortune équivaut à la mauvaise
fortune.
La mauvaise fortune équivaut à la
bonne fortune.
La pie ne procure pas la joie.
Le corbeau ne procure pas le malheur.
Aux yeux de tous, l’empereur Wu-ti1F
2de
la dynastie des Han antérieurs2F
3 combattait
au sud et guerroyait au nord, ses exploits
étaient glorieux, ses oeuvres étaient considérables,
c’était à la fois une bonne fortune
et la joie.
À mes yeux, l’empereur Wu-ti tuait
partout les gens dont le sang soulait à flots,
c’était à la fois un malheur et la décadence.
Je modifie le nom d’Heureux Gengis
Khân en Malheureux Gengis Khân.
Les gens estiment quelqu’un comme
un héros, je le considère comme un chien.
Les gens estiment quelqu’un comme
un chien, je le considère comme un héros.
Les disciples des patriarches fondateurs
Sont comme des montagnes qui se
dressent à pic ;
La Loi juste est exactement en train
de se répandre,
Elle coupe court aux illusions dans
les dix orientations.
Y a-t-il encore les soi-disant bonnes et
mauvaises fortunes ?
L’an 2012 était l’année du Dragon
d’eau, beaucoup de gens tentaient de toutes
leurs forces d’avoir un garçon-dragon ou
une fille-dragon, en estimant que le dragon
était de la bonne fortune. Cependant, ils ne
savaient pas que ce dragon était un mauvais
dragon, il était inévitable d’engendrer
un fils féroce ou une fille atroce. Hélas !
C’était faux !
1 M. Chen Shui-bien, l’ancien président de la
République de Chine (2000-2008).
2 Han Wu-ti, 156-87 avant J.-C.
3 Han occidentaux ou Han antérieurs, 206 avant J.-
C.-9 après J.-C.