■Le bouddha vivant Lian-sheng Sheng-yen Lu
■ Journal des voyages spirituels
~Un autre genre de manifestation du prodige~
■Traduit du chinois par Sandrine Fang
■Copyright © Sheng-yen Lu ©2012, Éditions Darong
Le roi génie continua :
— Plus tard, l'empereur Wu Ti pensa à l'impératrice ; le grand boa se montra alors dans un jardin interdit. Ce boa au corps fétide sifflait et dardait sa langue. L'empereur Wu Ti voulut le chasser, mais le serpent se mit à parler et lui révéla que son âme était celle de l'impératrice et qu'elle s'était incarnée dans le corps du boa à cause de sa jalousie. Elle le suppliait de la sauver en pratiquant une cérémonie de délivrance, pour qu'elle puisse se libérer de ce malheur. Alors, l'empereur Wu Ti rassembla tous les moines pour qu'ils récitent des prières de repentance en faveur de l'impératrice Hsi. Le maître de contemplation Chih-kung compila donc tous les rituels de confession dans un grand livre de pénitence. En s'appuyant sur la force des noms honorifiques de tous les bouddhas, les cinq cents moines bouddhistes récitèrent pour l'impératrice Hsi des prières de repentance. Le grand boa s'enroula autour d'une colonne et écouta le dharma tout au long de la cérémonie. Lorsque la cérémonie s'accomplit de la manière parfaite, des parfums et des musiques célestes s'élevèrent dans le palais, et l'impératrice Hsi se transforma en un être divin et monta au ciel Trâyastrimsha. Telle est la puissance de La Pénitence précieuse de l'empereur Liang, c'est le don du dharma.
Je demandai encore :
— Le don du dharma est-il plus important que la distribution des aumônes alimentaires ?
— L'aumône alimentaire permet d'assouvir momentanément la faim ; le don du dharma donne l'occasion de monter au ciel, il vient en premier.
J'ajoutai :
— Y a-t-il des heures propices pour donner l'aumône ?
Le roi génie répondit :
— Faire des offrandes aux bouddhas vers midi, aux êtres cé-lestes au petit matin ; distribuer des aumônes alimentaires aux esprits supérieurs et aux mânes des morts dans la nuit, et aux génies à la tombée du soleil, cela s'appelle les « quatre temps de l'oblation de l'aumône ».
Je lui dis :
— Je pratique l'oblation sans distinguer les périodes et je le fais quand j'ai à ma disposition des offrandes !
Le roi génie expliqua :
— Vous, bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu, quand votre sincérité est présente, le temps de faire des offrandes est donc arrivé. Ainsi, les bouddhas, les bodhisattva, les protecteurs de diamant, les défenseurs du dharma, les êtres célestes, les esprits divins, les génies, tous se présenteront. Vous êtes un âchya④ de diamant du grand dhâranî, vous êtes évidemment différent, bien différent.
Je me rappelai une autre question. Je lui demandai donc :
— Et le brûlement des papiers dorés ?
Le roi génie se mit à rire :
— Il présente des traits communs avec le brûlement de l'encens.
— Pourquoi cela revient-il au même ?
— Tout dépend de la sincérité.
— Qu'est-ce que la sincérité ?
Il répondit :
— C'est le coeur de piété filiale, le coeur de gratitude, le coeur révérenciel, le coeur dévot, le coeur de dédicace des mérites, le coeur avec lequel on délivre les âmes des défunts de leurs souffrances : de tout son coeur, de tout son zèle.
— En quoi consiste le coeur avec lequel on délivre les âmes des défunts de leurs souffrances ?
— On prie tous les bouddhas de bénir la purification de leur corps, de leur parole et de leur pensée afin qu'ils puissent aller renaître dans le royaume du Bouddha.
— Est-ce possible ?
— Si on prie avec ferveur, les âmes pourront certainement en tirer profit.
Le roi génie et moi voyagions ensemble par l'esprit, tout en formulant questions et réponses.
J'avais posé des questions pendant tout le trajet du voyage.Soudain, le roi génie m'interrogea :
— Bouddha vivant Lian-sheng, maintenant, c'est à mon tour de vous poser une question : « Avancer d'un pas, c'est la mort ; reculer d'un pas, c'est aussi la mort. Si on ne s'avance pas et si on ne se recule pas non plus, on sera submergé et inerte comme une eau morte. Comment agissez-vous dans ce cas-là pour trouver une issue ? »
Je répondis :
— Une stance consignée dans Avatamsaka-Sûtra (Sûtra de la guirlande des fleurs) dit :
Si l'homme veut comprendre parfaitement
Tous les bouddhas des trois phases de l'existence,
Il doit visualiser la nature du Monde dharmique,
Car tout est fabriqué par le coeur.
Le roi génie hocha la tête en signe d'acquiescement et demanda encore :
— Il y a un tigre devant, un loup derrière, un gouffre profond à gauche et un précipice à droite. Si le bouddha vivant Lian-sheng arrive à cet endroit, comment fera-t-il pour franchir ces obstacles ?
Je répondis :
Il ne faut pas tomber sur le dharma conditionné, ni sur le dharma non conditionné.
L'attachement et la délivrance sont tous les deux oubliés,
Les trois temps sont identiques à eux-mêmes,
L'espace s'étend pleinement.
Sitôt après avoir entendu cela, le roi génie bondit, s'éleva dans l'espace et disparut. À cet instant, apparut dans le ciel un terrain de diamant précieux, une roue exceptionnelle et majestueuse, ainsiqu'un pur et précieux joyau mani. Au-dessus se trouvait une bannière somptueuse qui répandait de la lumière, faisait constamment entendre une musique merveilleuse, exhalait des parfums extraordinaires et qui était parée de perles. Au-dessous de cette bannière se trouvait un bodhisattva, dont le corps était en diamant et les vêtements en lazulite. Il chevauchait un éléphant blanc, et son corps entier diffusait de la lumière.
Je joignis mes mains avec révérence :
— C'est le bodhisattva Samantabhadra !
— C'est exact.
— Le bodhisattva s'est manifesté en se déguisant en roi génie pour porter secours aux êtres vivants !
— Le corps de métamorphose est infini. Je voulais, en me servant des questions et des réponses, expliquer toutes sortes de dharma.
Durant mon voyage spirituel, je me dis même que ce roi génie était omniscient et que ses connaissances s'étendaient de la Terre jusqu'au Ciel. Comment serait-il possible qu'il fût un simple roi génie ? Je pensais qu'il était certainement la métamorphose d'un grand bodhisattva. Son pouvoir libre et prodigieux était effectivement extraordinaire.
Je vénérai le bodhisattva Samantabhadra.
Le bodhisattva me dit :
— Je souhaite que le bouddha vivant Lian-sheng prêche les états illimités et magnifiques et que sa voix merveilleuse porte partout et longtemps.
-fin -
④ Maître du dharma.