L’extérieur et l’intérieur
■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu
■ Le Franchissement de l’océan de vie et de mort
« Le plus grand événement de la vie »
■ Traduit du chinois par Sandrine Fang
■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2022, Éditions Darong
Ce texte est extrait de mon 123e livre intitulé L’Étoile filante et l’igname rouge, publié au mois d’août 2002.
Sa Sainteté Ganden Tripa, chef de l’école Gelugpa du bouddhisme tibétain, s’est rendu au temple Ling Shen Ching Tze, à Seattle, aux États-Unis, pour me donner en personne une « robe du roi du dharma ». Je l’ai portée et, en apparence, je suis devenu « le roi du dharma Lian-sheng ».
Plus tard, Sa Sainteté Orgyen Kusum Ningpa, le plus grand roi du dharma de l’école Nyingmapa, a visité avec Hungkar Dorje Rinpoché le temple Ling Shen Ching Tze.
Ce grand roi du dharma est venu du Tibet. Il est la réincarnation du bodhisattva Vajrapani, il est reconnu dans l’école Nyingmapa comme l’éminent réalisateur de la « méthode du grand achèvement ». Il a révélé dans son autobiographie que le dalaï-lama lui avait demandé de l’instruire et d’octroyer une onction pour pouvoir pratiquer la méthode du grand achèvement.
Pour venir me voir, ce chef de l’école Nyingmapa a, d’après ce qu’on a dit, sorti de son coffre sa meilleure robe de roi du dharma et l’a portée sur lui. Cet habit pèse au moins plusieurs kilos, avec une ceinture jaune serrant la taille et beaucoup de dessins représentant des objets de bon augure brodés dessus.
Le jour où le roi du dharma de l’école Nyingmapa fut arrivé, le soleil apparut pour la première fois après la saison des pluies qui avait duré pendant trois mois ; tous les arbres soufflés par le vent doux portaient une couleur joyeuse ; le ciel était clair, transparent, azuré ; une atmosphère douce et sereine était en harmonie avec les rayons du soleil matinal ; le temple Ling Shen Ching Tze montrait son aspect infiniment majestueux et ses tuiles faisaient apparaître toute sa pureté et son immensité.
Sa Sainteté Orgyen Kusum Ningpa dit :
— Dans ma vie présente, je cherche à trouver des rois du dharma, et j’ai ressenti que le bouddha vivant Lian-sheng serait le premier de ma quête.
Je me mis à sourire, sans répondre. Il continua :
— J’ai bien ressenti que le bouddha vivant Lian-sheng est le premier de ma recherche, qu’il pourra édifier aux États-Unis la plus grande bannière de la Loi.
Après son départ, je suis rentré dans Chen-fo-mi-yüan (le Jardin ésotérique du Vrai Bouddha), plusieurs disciples étaient assis sur la moquette.
Ils se levèrent. Et je m’assis en position du lotus à ma place habituelle. Il semblait que cette place était un emplacement d’autorité, là où je pouvais parler en face de tout le monde.
Un disciple demanda :
— Pour la recherche d’un roi du dharma ?
— Cela semble, répondis-je.
— Le roi du dharma est…
— Ce n’est qu’une apparence, dis-je. Sa Sainteté Ganden Tripa m’a donné sa
robe de roi du dharma. Effectivement, dans le bouddhisme tantrique du Tibet, en tant que chef d’une école, il est sur un pied d’égalité avec le panchen-lama et le dalaï-lama. Ceux-ci se rendent égaux l’un à l’autre. Quand le dalaï-lama voit l’arrivée de Sa Sainteté Ganden Tripa, il l’accueille même en se mettant debout ! Aujourd’hui, Sa Sainteté Ganden Tripa m’a donné sa robe de roi du dharma, en apparence, c’est déjà la plus grande, la plus éminente bénédiction, je n’ai plus besoin de demander quoi que ce soit.
— Le portrait de ce roi du dharma de l’école Nyingmapa a des traits communs avec celui du dâkinî au visage de lion, dit un disciple.
— Ah ! c’est aussi une apparence !
— Qu’est-ce qui est l’immanence ?
— Ce qui est immanent, c’est que le pratiquant a déjà découvert la Vérité, qu’il a éprouvé la Réalité absolue et s’est transformé en celle-ci. Donc, en tant que pratiquant sagace, il faut ouvrir la porte d’esprit de tous les êtres animés, enseigner ce qu’il a découvert et éprouvé aux gens qui le cherchent, et les conduire.
— Le roi du dharma et le chef d’une école religieuse sont-ils tous les deux des sages ?
Je répondis :
— Le roi du dharma, le chef de l’école religieuse et le rinpoché (le bouddha vivant), voire même le maître de diamant, ne sont que des appellations. Ce ne sont que des noms. Si l’esprit de ces gens puissants qui portent un de ces titres est sous la contrainte et est embarrassé de leurs propres illusions, tous ces pouvoirs et ces rangs sociaux deviennent évidemment insignifiants.
Je continuai :
— Je prends exemple sur moi-même, je suis le fondateur de l’école du Vrai Bouddha, et je possède en même temps la robe de roi du dharma que Sa Sainteté Ganden Tripa m’a offerte, mais, si je n’ai pas cultivé les vertus acquises par la pratique immanente, si je ne possède pas la plus grandiose et la plus parfaite et ultime Réalité absolue, ce titre n’est pour moi qu’un nom, une apparence, et il ne présente pas l’avènement de la réalisation.
Je veux dire ceci :
Le titre et l’apparence sont de l’extérieur.
Le titre et l’apparence sont un applaudissement et une exclamation temporaire.
Le titre et l’apparence sont un prix d’honneur.
Le titre et l’apparence seront éliminés.
Je dis à mes disciples :
— La Réalité absolue n’est vraiment pas accessible de l’extérieur, la Réalité absolue et les titres illusoires n’ont aucun rapport l’un avec l’autre ; la Réalité absolue n’est prouvée que par son propre cœur, et même par l’absence de cœur. Et à cet instant-là, vous trouverez la Réalité absolue.
Après la conversation, je me levai, je quittai le lieu et entrai dans ma chambre.